L’âge ingrat

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La nuit dernière, alors que je tentais de lutter contre une énième insomnie, je ne sais pas pourquoi mais je me suis mise à repenser à l’âge ingrat. Pas l’âge de 7 ans, quand on comprend enfin les conversations des grands mais que ceux-ci ne sont pas prêts à nous comprendre; pas non plus vers 12-13 ans, quand ton corps décide, contre toute originalité, de vivre sa propre vie sans que tu puisses rien contrôler; non, pour moi, l’âge ingrat, c’est plutôt vers 17 ans, quand tu découvres enfin le monde, le sexe, les trucs interdits et les soirées.

J’étais , genre, vraiment, la première fan des Worlds Apart et toutes les nuits je m’endormais en pensant à eux. Je déplorais ma différence d’âge de presque vingt ans avec Nathan, mon chouchou de la vie et, finalement, cette différence d’âge était une bonne chose, car si j’avais été adulte, libre et solvable, j’aurais claqué la moitié de mon salaire chaque mois pour suivre les tournées françaises et découvrir le numéro de sa chambre d’hôtel! (Si tu ne connais pas le film Tamara Drew, fonce, c’est drôlissime).

Je suis allée les voir une fois en concert… Chaperonnée par mon papa. Un ange, mon papa: c’était aussi lui qui nous déposait en boite, mes copines et moi, et, comme c’était assez loin, pour ne pas faire l’aller retour il se payait une entrée et poireautait des heures au bar. Une fois il s’est même fait dra-gay pendant une bonne partie de la nuit.

Je dansais dans les cages, j’allumais un peu, il fallait bien que je vérifie mon « pouvoir » de séduction qui, au lycée, ne fonctionnait absolument pas. J’ai bien eu des petits amis, mais il fallait que je les trouve ailleurs.

Il faut dire que si en boite j’étais déchaînée, partie dans mes délires avec mes copines, dans la « vraie vie » j’étais sage… Rends-toi compte: ma meilleure amie de l’époque, en virée shopping, s’était choisi une nuisette comme robe de soirée d’anniversaire. Oui, oui, une NUISETTE. Moi, mes goûts en matière de mode étaient… inadaptés. À l’époque, à la région du monde, peut-être même à la planète tout entière. J’étais celle qui sortait se promener dans le village avec sur la tête le filet pour tenir les bigoudis que ma grand-mère m’avait posés. C’est dire, au passage, le mépris que j’avais pour ce trou paumé. J’étais celle qui allait passer des vacances en tant que brancardière à Lourdes.

Si seulement internet avait existé à l’époque… Oui, il existait déjà un peu, mais je parle de l’Internet actuel, avec YouTube et ses tutos, Wikipédia et l’explication des mots qu’on ne trouve pas dans le Larousse… J’aurais su, en vacances avec mon amie et ses parents, qu’il fallait attendre que l’eau boue avant d’y jeter les pâtes et de compter neuf minutes. Ce qui m’aurait épargné une honte que je ne peux comparer qu’à celle quand, à six ans, j’ai fait pipi au lit en classe de neige.

On passait des heures à bavarder avec ma meilleure amie. Au téléphone… Fixe, avec le fil qu’on s’enroulait au doigt comme pour sceller cette union. Je me payais des cartes pour aller raconter les détails confidentiels dans la cabine téléphonique du patelin. Quand j’ai eu mon premier portable (pour partir à Lourdes, en fait), j’ai découvert les joies du hors-forfait. Et les textos limités, en quantité et en nombre de caractères, qui salissent ton orthographe… On se faisait des soirées pyjama où lasagnes et films d’horreur étaient de mise, avant de chuchoter au lit jusqu’à cinq heures du matin. « À ton avis le garçon ne risque pas de se tromper et d’uriner au lieu d’éjaculer? » . Ouais, on était définitivement une génération paumée.

Et la blessure que j’ai ressentie quand cette meilleure amie m’a sorti, un jour, totalement gratuitement, qu’elle au moins elle avait des seins (donc qu’elle pouvait bien se permettre de porter une nuisette à sa soirée d’anniversaire; si je remettais ce choix en question, c’est forcément que j’étais jalouse…). Il faut dire qu’elle avait les plus gros bonnets de la classe – que dis-je, du lycée – tandis que j’étais plate comme une limande. Je me suis « vengée » en faillant à la promesse que je lui avais faite de lui raconter ma première fois. Et même ma deuxième fois.

J’ai quand même une certaine nostalgie pour la manière dont on faisait l’amour, ados. On passait des mois à attendre, puis, quand on se lançait, c’était sur la pointe des pieds, on se caressait longuement et on se frottait d’abord en gardant nos sous-vêtements. On savait créer le désir, y’a pas à dire. Quand je suis sortie avec mon amour de jeunesse, c’était en rentrant de boîte; au lieu d’aller se coucher dans la chambre d’amis, il est venu dans la mienne et m’a fait passer mon album de tous les slows de Whitney Houston sur ma chaîne hi-fi. Et on les a tous dansés avant d’oser échanger notre premier baiser. Soit une heure dix-huit à piétiner dans un demi-silence.

Mais bon, je nostalgise, je nostalgise, mais cet âge-là, c’était le meilleur ET le pire. Les trahisons. Les « services » qu’on se rendait (« Tu peux aller voir Bruno et lui demander s’il veut bien sortir avec moi? ») (tu t’en doutes, Bruno faisant partie du même lycée, ce fut un échec). La honte que tu ressentais quand tu te retrouvais seule à la cantine, parce que tes prétendus amis n’avaient pas attendu que tu sortes de ton cours de grec. Les « mauvaises fréquentations » que tu rêvais de cultiver mais sans jamais oser (en gros les gens qui passaient leur récré au coin fumeur). Et tout ça avec la pression du bac à passer et de l’orientation à choisir.

Tout ça c’est bien joli et ça fait des souvenirs, mais je n’aimerais pas refaire un tour du côté de chez Swann. Ou plutôt si; mais forte de mes connaissances actuelles, et avec la confiance en moi que j’ai dû si chèrement gagner, j’irais botter le cul à tous ceux qui me montraient du doigt. Je serais ma propre super-héroïne. Mais nul ne peut dire alors à quoi ces fameux souvenirs d’adolescence ressembleraient…

                          💜💜 Iris

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